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KERDUDO

RAG 3 : Compte rendu de la troisième réunion « grossesse et alcool »

Alcool Grossesse

vendredi 1er décembre 2006, par bluegyn_spip

1 – Présentation du problème et du projet, par le docteur Voisin

- E.P.A : Effets Prénatal à l’Alcool

- E.P.A = SAF (1968) + EAF (1996)

Le Syndrome d’alcoolisation Fœtal (SAF) a été découvert en 1968 par le professeur Le Moine de Nantes.

- Depuis cette date, on sait que l’alcool provoque des anomalies sur le bébé, mais ce n’est que depuis quelques années que l’on s’intéresse réellement au problème.

- Le SAF est dû à une exposition importante d’alcool pendant la grossesse

- Les effets de l’alcool sur le fœtus (EAF) ne sont pas visibles immédiatement.

- Ils se traduiront par des manifestations neuro-comportementales au cours du développement de l’enfant.

Idée à retenir :

« tout verre non bu est un bon verre pour le bébé »

Le SAF :


o Faciès particulier

o Hypotrophie staturo-pondérale considérable

o Grande fréquence des malformations

o Perturbations psychomotrices (enfant peu ou trop réactif…)

o Dysmorphie cranio-faciale

o Retard de croissance intra utérin important (RCIU souvent harmonieux)

o Malformations congénitales

o Troubles du développement neuro psychologique (enfant incapable de se fixer car tout attire son attention, déficit intellectuel, trouble du tonus, trouble du comportement)


- Les bébés atteints du SAF représentent une toute petite partie des enfants exposés à l’alcool pendant la grossesse.

- Ceux qui présentent un SAF sont diagnostiqués très tôt par rapport à ceux qui présentent des EAF.

Les EAF :

o Troubles du développement neuro psychologique (difficultés à accéder à l’abstraction : tâches complexes, troubles du langage, règles sociales. L’enfant est très influençable)

De ce fait, les enfants intègrent des cursus scolaires adaptés comme les CLIS, SEGPA, IME…

Quelques chiffres :

Fréquence du SAF :

- Dr Dehaene (Roubaix) : 1.3 – 3.5 /1000 naissances

- Dr Chabrolle (Havre) : 3.3/1000 naissances

- Bretagne : 2.5 /1000 naissances

- Pays occidentaux : 2.8 – 4.6 /1000 naissances

- Peut-être 40 fois plus en Europe de l’Est

- Les EAF représentent 5 à 10 fois plus de cas

- 1 % de la population en France souffrirait des EAF.

Cinétique de l’alcool :

o Pas de barrière placentaire

o Catabolisme au niveau du foie fœtal (le foie du bébé n’est pas terminé et ne métabolise pas l’alcool. De ce fait, l’alcoolémie fœtale est supérieure ou égale à l’alcoolémie maternelle)

Action de l’alcool sur l’embryon ou le fœtus :

1 – effets tératogènes au cours du 1er trimestre : malformation et dysmorphie

o éthanol transformé en acétaldéhyde puis en acide acétique

o éthanol et acétaldéhyde sont tératogènes

2 – effets neurotoxiques au cours du 2ème et 3ème trimestre :

o trouble de l’organisation neuronale

-  migration hétérotopie

-  amincissement du cortex

-  agénésie du corps calleux

-  anomalie de giration

o altération des corpuscules intra cytoplasmique

o microcéphalie

Que faire :

- On ne peut guérir du SAF ou des EAF.

- Un enfant atteint, présentera les anomalies qui persisteront toute sa vie.

- Cependant, il est très important de les diagnostiquer très tôt afin d’avoir une prise en charge précoce.

- C’est pourquoi, il est essentiel que les professionnels soient formés.

- La prévention a un grand rôle à jouer.

- Aujourd’hui le conseil que l’on peut donner aux femmes est

zéro alcool pendant la grossesse.

- En dessous de 20 g d’alcool pur par jour (2 verres standard) on ne peut pas déterminer un risque minimum.

- C’est pourquoi la conférence de consensus de 2003 préconise tolérance zéro pendant la grossesse.

Il est aussi nécessaire de savoir parler et convaincre (femmes, acteurs de santé, travail en réseau)


2 – Présentation de l’expérience du Finistère par le Docteur Jean-Loup Théry, médecin de santé publique au Conseil Général du Finistère

- Avant de travailler dans le Finistère, le Dr Théry, travaillait en Seine – Saint – Denis en tant que médecin alcoologue. Il a beaucoup travaillé sur la question de la prévention et de la structuration de l’activité.

Pourquoi travailler sur cette problématique :

- Le conseil général gère les services de PMI.

- Les grossesses à risque font partie des missions de la PMI, or l’alcoolisation pendant la grossesse représente une grossesse à risque.

- De plus le conseil général a une mission handicap, or l’alcoolisation pendant la grossesse peut être à l’origine d’handicap à la naissance et lors du développement de l’enfant.

- Enfin le conseil général a fait le constat que beaucoup de personnes âgées s’alcoolisent, conduisant certaines au suicide (le nombre de suicides des personnes âgées est supérieur à celui des jeunes)

- Toutes ces raisons font que l’alcoolisation des populations est une question sur laquelle le conseil général du Finistère ne pouvait pas rester indifférent.

- Il y a d’abord eu une prise en compte du conseil général du Finistère, suivi d’une prise en compte politique et administrative. Pour en arriver là, 2 ans de travail ont été nécessaires.

La consommation d’alcool pendant la grossesse est la première cause non génétique de retard mental et d’inadaptation sociale dans les pays industrialisés.

Aujourd’hui, il n’existe pas de test clinique.

- On peut seulement faire des tests d’élimination.

- C’est pourquoi, l’information et la formation doivent intervenir pour soutenir les professionnels.

- Du point de vu de l’alcoologie, le bébé est considéré, alors qu’auparavant, ce n’était que de la femme qui consommait de l’alcool dont on se préoccupait.

- Du point de vue de la pédiatrie, on ne s’occupe que du bébé mais pas de la prévention de la récidive lors de grossesses ultérieures.

- Du point de vue de la gynécologie, on ne s’occupe que des complications de l’évolution de la grossesse.

- Chaque professionnel a son propre regard sur la problématique, chacun a un rôle, d’où l’importance de mutualiser les compétences de chacun au sein d’un réseau.

- Le docteur Théry précise que la grossesse alcoolisée est une grossesse à haut risque et l’accouchement est une urgence médicale (c’est déjà fait pour les toxicomanies et le tabac)

- Le retard de l’information peut s’expliquer par le statut particulier du produit alcool. Difficultés à en parler à cause des représentations et du temps que cela peut prendre si on commence à en parler.

- Les enfants sont dits problématiques mais pas de diagnostic alcool.

Epidémiologie :

la Bretagne est ex-aequo avec le Nord pas de calais

- Si l’accouchement est considéré comme une urgence médicale, cela permet de prendre très tôt l’enfant en charge.

- De ce fait on va très tôt compenser les effets irréversibles sur le cerveau (= atténuation)

- Les ETCAF (ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale) sont différents pour chaque bébé, c’est pourquoi à consommation équivalente, il y a des expressions différentes.

- Ainsi dans une fratrie ou entre des jumeaux il y aura des différences). -C’est pourquoi, il est très difficile de déterminer une dose seuil en deçà de laquelle l’alcoolisation ne représente aucun risque pour le fœtus et le bébé.

Historique de la démarche mise en place dans le Finistère :

- Début en 1997 avec le Programme Régional de santé « alcool »

  • Le thème devint une priorité de l’Etat en 1999.
  • La mission est confiée par l’Etat au CODES 29 (Comité Départemental d’Education pour la Santé) et au Conseil Général en copilotage.

- 1er temps : rencontre personnalisée des acteurs moteurs du territoire (pédiatres, services d’alcoologie, maternités…)

- 2ème temps : 5 formations de 3-4 jours organisées dans le Finistère avec l’ANPAA 29 (Association Nationale en alcoologie et addictologie) depuis 2001.

- 3ème temps : Mise en place de 3 groupes de travail à partir des recommandations de la SFA (Société Française en alcoologie)

o information du grand public : réalisation d’une affiche qui présente une femme enceinte accompagnée de son ami qui refuse un verre d’alcool lors d’un apéritif.

o Formation des professionnels

o Prise en charge des mères et des enfants

- 4ème temps : 1 journée d’information départementale sous forme d’un colloque « alcool et grossesse : une réalité, un accompagnement » le 12 décembre 2003. Ce colloque regroupait 300 professionnels intra et extra département.

- Mise en place d’un réseau dans le Finistère autour de l’hôpital de Morlaix, de Brest et bientôt de Quimper.

- Au final, 3 têtes de réseau et une coordination départementale, ainsi que la formation initiale des assistantes sociales, des infirmières des élèves des IUFM…

- Bientôt dans le Finistère, un programme hospitalier de recherche clinique auprès de l’ensemble des maternités pour mesurer l’incidence et la prévalence.

- De plus le réseau a antenne ouverte à la radio France Bleue Breizh izel afin de diffuser des messages grand public.


3- Echanges avec les participants à la réunion :

Comment aborder la question avec les femmes ?

- Le discours d’un professionnel de santé peut être percutant lorsque la femme n’est pas alcoolo dépendante, sinon c’est très difficile de faire passer le message.

- Lorsque la femme boit par ignorance, les professionnels ont le devoir de l’informer à condition d’être soi-même formé et convaincu. C’est pourquoi la formation des professionnels est nécessaire.

- Lors des deux réunions précédentes du groupe grossesse et alcool à Kerdudo, les difficultés d’échanges avec les femmes sont revenues à plusieurs reprises. (Ceci montre un besoin de formation des professionnels du secteur sanitaire 3).

- Pour le Dr Théry, le groupe doit se poser des questions essentielles telles que : comment former et informer ? Quels professionnels ? Dans quels objectifs ?...

- Dr Rabiller fait remarquer que l’information et la formation c’est intéressant, mais qu’il ne faut pas dramatiser quand la femme par ignorance de son état a bu de l’alcool pendant le 1er et le 2ème mois de grossesse. Il faut alors savoir accompagner la femme.

- Pour le Dr Théry, il sera nécessaire dans la démarche de se former en alcoologie et pas seulement à l’alcool pendant la grossesse, mais aussi sur la définition de la prévention. Ce n’est pas simple à faire car chacun a ses propres représentations. Cela demande du temps de travail pour apprendre à se connaître.

- Dans tous les cas, le Dr Théry rappelle que lorsqu’un professionnel peut être en difficulté pour parler alcool avec sa patiente, il faut rester sur de l’informatif et le répéter en faisant le lien avec l’alcool, les doses seuil et le message de prudence.

- Il ne faut en aucun cas rentrer dans le déni déguisé des patientes. (Suite à un exemple donné par un gynécologue)

- Il faut faire passer le message et orienter vers d’autres professionnels.

- Il faut savoir que 30 % des alcoolo-dépendants sont des femmes, soit 1.8 millions de femmes. Il faut donc identifier celles qui sont déjà repérées et celles qui ne le sont pas. Les attitudes à adopter seront ainsi différentes.

Autres problèmes soulevés :

o Problème des jeunes filles qui consomment de l’alcool sans prendre la pilule ni se protéger.

o La question de l’ITG (interruption thérapeutique de grossesse) va aussi se poser plus souvent ainsi que la question de l’adoption. En effet beaucoup d’enfants des pays de l’Est sont proposés à l’adoption, or dans ces pays beaucoup de femmes s’alcoolisent pendant la grossesse. De ce fait, un nombre important d’enfants naissent avec un SAF ou des EAF. Que Faire ? C’est aussi un problème qui risque de se poser pour les familles d’accueil.

- Pour le Dr Théry, face à une situation difficile, Il est important de ne pas rester isoler dans ses pratiques professionnelles.

  1. – dire que c’est un problème déjà rencontré
  1. – dire qu’on va orienter vers des professionnels compétents pour passer le relais

Point important :

formation de tous les professionnels (ex IUFM pour les futurs professeurs des écoles afin qu’ils sachent comment réagir le jour où ils seront confrontés à un enfant présentant des EAF)

- Une sage-femme de PMI fait remarquer que très souvent elles voient des jeunes filles qui arrivent en consultation enceinte d’un mois et demi. -La seule chose dont elles se souviennent c’est une fête environ un mois plus tôt.

- Ce qui est aussi difficile, c’est de recevoir des femmes enceintes de 3 mois, la grossesse durant 9 mois, il ne reste plus que 6 mois pour faire quelque chose quand les femmes s’alcoolisent. C’est peu, surtout quand la femme est dépendante à l’alcool.

- (Ex d’une femme qui s’alcoolisent et qui reçoit à son domicile une sage-femme avec une bouteille d’alcool)

- Pour le Dr Théry, il ne faut pas faire comme si on n’avait rien vu. Si la personne reçoit le professionnel avec une bouteille, c’est que cela a un sens pour elle. Il faut donc travailler sur le sens de son geste. Voir ce que l’on peut faire en tant qu’aidant et pas seulement en tant que soignant. Il est important de dire ce que l’on constate et dire que l’on passe le relais à un professionnel compétent.

- Si le professionnel est convaincu que la femme va entendre le message, elle l’entendra d’autant mieux.

Formalisation d’un réseau sur le secteur sanitaire 3 :

- Formaliser un réseau permettra d’avoir un soutien lorsque le professionnel est face à une situation difficile.

- Pour le Dr Théry, il est important que le groupe actuel travaille sur les limites : limite de l’intervention, limites individuelles. Il faut s’interroger sur nos limites et sur les limites du réseau ainsi que sur les échecs. Il faudrait donc mettre en place un groupe pour y travailler : interconnaissances des uns et des autres.

- Le réseau pourrait être protecteur pour ceux qui se sentent isolés.

Conditions pour mettre en place un réseau selon le Dr Théry :

o Etre plusieurs

o Avoir un leader

o Partager quelque chose, mise en commun et vérifier que tous parlent de la même chose

- Petit à petit, le réseau va se structurer, puis nécessité d’une charte afin de savoir ce que l’on partage, avoir une éthique. Il faudra aussi penser aux statuts, au fonctionnement, au financement...

- Aujourd’hui, le groupe représente un réseau informel. Le Dr Voisin insiste sur le fait qu’Il ne faut pas attendre la formalisation du réseau pour échanger, s’appeler et orienter vers d’autres professionnels.

- Il faudra aussi prendre contact avec les associations qui travaillent avec les femmes, il n’y a pas forcément de lien entre elles, mais elles sont de bon relais pour passer l’information.


4 - Informations en plus :

- Les actes du colloques « grossesse et alcool » du codes 29 sont téléchargeables sur leur site internet.

- Le groupe d’étude grossesse et addiction (GEGA) du Dr Lejeune à colombes, met en place un DU pour 2007.

- Mise en ligne d’une base de données sur la grossesse, les médicaments, les addictions sur le site Internet www.lecrat.org

- (site indépendant de l’industrie pharmaceutique)


La prochaine réunion aura lieu

- Le jeudi 25 janvier 2007

- Au centre de Kerdudo à Guidel

- À 9h00